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目前位置:資料彙整   /  文化概念與特色  /  [概念] Jean-François Billeter的文集:與François Jullien不同的看法
類型:概念
提供者:作者:林一凡 老師(Yves-Heng LIM)

Jean-François Billeter的文集:François Jullien不同的看法


François Jullien不同的看法

Jean-François Billeter於2006年出版的短篇文集-「與François Jullien不同的看法」,對François Jullien於其著作中所提出的看法進行了一番批評。Jean-François Billeter認為François Jullien的分析忽略了歷史因素,因此提出「比較文學」的方法來分析中國思想及西方思想,進而得出兩者本質上是不同的。

 

中國

Jean-François Billeter針對「中國基本上是不同於西方世界」此一看法提出第一點反擊。「中國的相異性」的看法由幾位法國哲學家於十八世紀時提出,例如伏爾泰,他們將中國當作是君主政體、絕對皇家專制及教會專制的代表加以批評反對。然而,他們與中國社會及中國哲學並沒有直接的接觸,例如,伏爾泰的相關著作是根據一些在十七世紀末到十八世紀初曾到中國居住的耶穌會傳教士所寫的文章,而當時正值清朝雍正年代進行反耶穌會並驅逐傳教士及財產充公的時期。因此,Jean-François Billeter認為耶穌會傳教士到中國是懷有政治目的的,這個目的跟他們所寫的文章有很大的關聯。對他們來說,要提出一個對於中國政治結構(也就是皇室及文人政治)有正面想法的看法非常重要,因為這讓欲改變專制政治的耶穌會得到支持及辯護。
耶穌會的傳教士並沒有憑空捏造中國歷史,他們只是重述並改編被中國專政王權所改變的歷史。然而,這些歷史也常被中國皇帝左右影響。 Jean-François Billeter認為漢朝皇帝的目的是證明不是只有軍隊才能持有實質政權。因此,他們以文化思想來證明他們持有政權,就像是自然而然改變一樣。兩千多年的中國歷史,歷代皇帝皆以此方式掌權。
Jean-François Billeter認為自二十世紀開始,有許多學者針對中國和在皇帝專制朝代中所創造出來的文化提出許多問號。如果有部分的學者認為可以追溯至孔子儒家思想,其他的學者就會提出質疑,認為孔子儒家思想是皇帝所捏造出來的,為了要建立階級制度並使皇帝專制政權成為理所當然的。這些辯論至今仍然存在,因此可看出孔儒思想派系的的擁皇派學者,是為了保護中國文化,並堅持其與西方文化是不同的 。


中國哲學

Jean-François Billeter同時也批評François Jullien在提出對於西方思想和中國思想的理論,就已經先有偏見。François Jullien在提出理論時,他的偏見影響了他的翻譯選字。許多西方人認為中國思想完全不同於西方思想是因為在翻譯的過程中,譯者的選字有落差,例如許多中國字有同字不同義的情況。因此,Jean-François Billeter認為不能將«淡»翻譯成fadeur,« 在很多時候,應該譯成精美的、輕巧的、精緻的、精巧的、細微的、精細的、舒服的、稀疏的、淡色的、蒼白的、弱的、稀薄的等。»
如果在翻譯時沒有隨著文章的前後文稍加選擇翻譯的文字,這樣的譯文就如同原文一樣,讀者在閱讀時仍會感到吃力,再者,中國思想概念與西方完全不一樣,西方讀者常會無法完全了解中國思想真正的涵義。就如同中國思想中的「道」含有許多意思,然而在法文中總是翻譯成「Voie 」,並沒有真正的根據原文內容解釋其涵義。在長期累積循環之下,可看出中國思想與西方思想的不同。Jean-François Billeter就此翻譯問題提出了解決方式:我們應該要翻譯文字、句子的涵義,而不是翻譯字面上的意思。
因此,Jean-François Billeter認為在淮南子的文章中,「道」應該要翻成「nature」會比較清楚明瞭,例如:「fonder le pouvoir impérial sur le tao」應翻成「fonder en nature le pouvoir impérial(皇帝政權的奠定是以道的思想為基礎)」,後者的翻譯比較沒有神祕色彩,使文章在閱讀時較容易理解。同樣的,Jean-François Billeter認為當法國人在翻譯道德經時,將「道可道,非常道」翻成「La réalité dont on peut dire quelque chose n’est pas […] la réalité même(可以被人說明的道,就不是那永恒不變的道) 」,而不是逐字翻成「 la Voie dont on peut parler n’est pas la Voie constante」,即使不是以同樣的字翻譯,但卻能讓人更加理解文章的意思。翻譯的問題是很需要受到重視的,因為翻譯的品質影響中國思想和西方思想的對照。透過正確翻譯,我們可以看到中國思想與西方思想提出同樣的觀念和問題,所提出的不同的解決方法。


內在性

Jean-François Billeter對François Jullien的其中一個關鍵批評是François Jullien在說明內在的觀念以及中國思想時,他只探討「方法(過程)」,而沒有延續探討「結果」。Jean-François Billeter認為應該以歷史的角度來了解中國思想中的這個特點。由於中國自古以來從未改變的皇帝專制政權,使得中國思想只談「方法」及「過程」,而不論「結果」。然而,中國思想家(哲學家)在提論說時,並未特別加入歷史因素,導致我們現在很難完全理解中國哲學思想。這些論說,讓許多人認為中國思想家大力將中國專制政權及專制政權下的暴力合理化。在這種中國專制政權的束縛下,文人雅士很難真正表達內心的想法,一旦違逆了皇帝的想法或有批評皇帝的意圖,就會立刻受到處罰。
直到現今,中國思想中的「方法」論說仍對中國產生很大的影響,尤其在中國的經濟市場產生效應。就像從前的專制政權時期一樣,我們現在在中國的企業家身上看到了此論說,新一代將權力集中合理化的戲碼又將重新上演。

Deux œuvres de Jean-François Billeter
Contre François Jullien et La Chine trois fois muette.

 

  • Contre François Jullien.
    Petit ouvrage polémique publiée par Jean-François Billeter en 2006, Contre François Jullien développe une critique de la méthode employée par François Jullien dans ses différents ouvrages. Cette méthode « comparatiste » pose, dans la perspective de Jean-François Billeter, un profond problème de déshistoricisation de la « pensée chinoise » qui débouche sur l’opposition artificielle de deux ensembles –« la pensée chinoise » et « la pensée occidentale »– faussement conçus comme homogènes.

    La Chine.
    La première attaque de Jean-François Billeter porte sur l’idée d’une Chine fondamentalement différente du « monde occidental ». La généalogie de cette idée en Europe permet de comprendre ce qu’elle a de biaisée. Largement répandue au début du XXème siècle, l’idée de l’altérité de la Chine est présente au XVIIIème siècle parmi les philosophes français, tels que Voltaire, qui se servent alors de la Chine comme référence pour les critiques qu’il formule à l’encontre du système monarchique, de l’absolutisme du pouvoir royal et du pouvoir de l’Eglise.Leur expérience avec la société et la philosophie chinoises n’est, bien entendu, pas de première main et les écrits de Voltaire vont, par exemple, s’appuyer sur les écrits de missionnaires jésuites qui ont séjourné en Chine dans la entre la fin du XVIIème et le début du XVIIIème siècle –un décret d’expulsion et de confiscation est prononcé contre les Jésuites par l’empereur Yongzheng. Jean-François Billeter souligne cependant que les jésuites poursuivent en Chine un but politique précis qui ne peut être détaché de leurs écrits. Présenter une image positive de l’organisation politique chinoise –empereur, fonctionnaires-lettrés– est important car ceci permet de fournir une justification à la tentative des Jésuites de convertir l’empire.
    Les Jésuites n’ont cependant pas « inventé » une histoire chinoise, ils ont simplement repris –et adapté– l’histoire telle que développée par le pouvoir impérial chinois. Or, cette histoire est également profondément marquée par les objectifs politiques de ceux qui détiennent le pouvoir. Jean-François Billeter souligne ainsi que l’objectif premier des empereurs Han est de donner une légitimité autre que militaire à leur pouvoir. Pour ce faire, le pouvoir Han va utiliser la culture comme moyen de légitimation de son pouvoir en le faisant passer pour un fait « naturel », conforme à l’ordre des choses. La réussite est complète et ce jeu de justification accompagnera l’empire pendant près de deux millénaires.
    Jean-François Billeter souligne en outre que la Chine est, à partir du début du XXème siècle, traversée par la question de son rapport à la « culture chinoise » telle qu’elle a été construite sous la Chine impériale. Si certains cherchent un « retour » au confucianisme, d’autres critiquent le confucianisme comme un système inventé par les conseillers de l’empereur pour permettre l’établissement d’un système fortement hiérarchisé et justifier le pouvoir absolu de l’empereur. Le débat se poursuit aujourd’hui, mais le « retour » des autorités chinoises au confucianisme doit être compris dans cette perspective de la défense du mythe de la différence essentielle de la Chine par rapport au reste du monde.


    La Philosophie
    Jean-François Billeter critique également, dans la méthode employée par François Jullien, le nécessaire parti pris dans la mise en regard des pensées occidentales et chinoises. Ainsi, les notions que François Jullien oppose ne constituent pas des caractéristiques « essentielle » de la culture chinoise et de la culture occidentale, mais d’un choix fait par l’auteur dans la multiplicité des notions développées par les deux cultures.
    L’idée d’une pensée chinoise radicalement différente de la pensée occidentale est en outre renforcée par la difficulté de traduction et la polysémie de certains termes chinois. Jean-François Billeter souligne ainsi que l’on peut traduire tan(淡) par fadeur, mais « dans la plupart des cas, il [est] plus juste de le rendre par fin, léger, délicat, subtil, imperceptible, ténu, atténué, dilué, délavé, pale, faible, raréfié, etc. » (p. 50). L’utilisation du même mot dans les différentes traductions des textes chinois renforce artificiellement l’impression d’étrangeté et crée chez le lecteur l’impression, également artificielle, que ce qu’il lit est « vraiment chinois » et basésur des notions totalement différentesde celles utilisées par la pensée occidentale. Il en va de même pour une notion telle que le tao qui est souvent laisse en chinois dans le texte français ou traduit par la « Voie ». Or, le refus de traduire ou la traduction systématique par la « Voie » sont basés sur l’idée a priori d’une différence essentielle entre la pensée chinoise et la pensée occidentale. On se trouve donc dans le cercle vicieux d’un raisonnement circulaire : l’a priori d’une différence fondamentale entraine un refus de traduire des concepts a priori différents ; ces concepts prouvent alors, par l’absence de traduction, la différence de la pensée chinoise. Il existe, pour Jean-François Billeter, une manière de dépasser ce problème en contextualisant la traduction du mot à partir du sens de la phrase. Ainsi, dans le cadre du Huainanzi (淮南子), Jean-François Billeter souligne que la traduction de tao par « nature » permet de rendre le texte traduit intelligible : fonder le pouvoir impérial sur le tao, c’est « fonder en nature le pouvoir impérial » (p. 57), une traduction moins mystérieuse mais plus compréhensible du discours tenu dans l’ouvrage.De même, Jean-François Billeter souligne que la traduction de « 道可道,非常道 » par « la Voie dont on peut parler n’est pas la Voie constante » crée une artificiellement une différence qui disparait lorsque l’on traduit la phrase du Daodejing (道德經) par « La réalité dont on peut dire quelque chose n’est pas […] la réalité même » (p.58).La question de la traduction est importante car elle permet un rapprochement des pensées chinoises et occidentales. Elle permet de voir qu’il existe des objets et questionnements communs, tout en mettant également en lumière les différences possibles de traitement de ces questions.


    L’immanence.
    L’un des points-clés de la critique de Jean-François Billeter porte sur l’interprétation que fait François Jullien de l’idée de l’immanence et d’une pensée chinoise portant uniquement sur les moyens et non sur les fins. Cette caractéristique de la pensée chinoise, souligne Jean-François Billeter, doit être à nouveau placée dans une perspective historique pour pouvoir être comprise. Si la pensée chinoise évite la question des fins, c’est parce que l’ordre impérial impose la finalité qui est celle de la préservation et de la stabilité du pouvoir.L’absence de remise en perspective historique et politique conduit à une mécompréhension de la dynamique d’une pensée qui s’intéresse exclusivement aux moyens. Au contraire, l’ensemble du discours sur les moyens qui traverse la pensée chinoise doit être vu comme un vaste effort de légitimation de la centralisation du pouvoir et de sa capacité à user de la violence. Il existe donc des contraintes politiques extrêmement fortes qui encadrent le discours des lettrés sur lesquels pèse la lourde structure de la hiérarchie du système impérial. Ceux qui dérogent aux règles établies et au discours de la légitimation du pouvoir courent le risque d’être durement punis.
    Le prolongement du discours sur la centralité des moyens dans la pensée chinoise trouve une application nouvelle à l’époque contemporaine avec la transition rapide de l’économie chinoise vers les principes du marché. L’idée de l’adaptation constante aux « lois » du système sans questionnement sur les finalités de celui-ci convient en réalité parfaitement au fonctionnement d’une économie de marché où les questions de morale et de justice ne peuvent être réellement posées sans remettre en cause le fonctionnement même du marché. L’adoption par les entrepreneurs chinois d’un discours culturaliste basé sur la différence fondamentale de la Chine s’explique donc à nouveau comme un processus de légitimation du pouvoir –et de la violence.


  • La Chine trois fois muette.
    A la fin de l’ouvrage précédent, Jean-François Billeter souligne : « Les Européens et les Chinois ont peut-être vécu dans des mondes sépares dans le passé, mais les séparations anciennes sont caduques. Ils partagent aujourd’hui un même moment de l’histoire » (Contre François Jullien, p. 83). Comprendre la Chine contemporaine requiert donc que nous nous intéressions au « mouvement de l’Histoire » et que nous réinscrivions la Chine dans ce mouvement.
    La réaction en chaine.
    Reprenant la notion de « marchandise » développée par Marx, Jean-François Billeter articule sept moments de l’Histoire moderne et contemporaine reflétant le développement de la relation marchande.
    Pour Marx, la marchandise est avant tout une relation –et non un objet– qui met en rapport un vendeur et un acheteur qui s’accordent sur un prix qui est censé refléter la valeur de l’objet. Or, la valeur est double : tout objet a une valeur d’usage qui est différente (et le plus souvent sans rapport) avec sa valeur d’échange.La valeur d’échange n’est pas intrinsèque à l’objet, elle est déterminée de façon complexe par l’organisation de la société dans laquelle l’objet est échangé.
    La Renaissance, moment initial choisi par Jean-François Billeter, voit l’émergence d’une nouvelle manière de voir le monde. Les marchands, tout d’abord italien puis européens, commencent à considérer le monde qui les entoure en termes quantitatifs, un nouveau rapport aux choses qui se traduit notamment par l’expansion du commerce et de la monnaie –qui permettent une généralisation de l’échange purement quantitatif. Ce nouveau rapport aux choses n’est pas limité au domaine économique mais va rapidement toucher les « domaines des techniques, des sciences et des arts » (p. 16).
    Les trois siècles qui suivent vont voir ce nouveau rapport se développer et s’autonomiser. Ceci se traduit notamment par l’émergence de nouvelles méthodes de production qui demandent une nouvelle division du travail.
    La période de la révolution industrielle (Jean-François Billeter récuse ce terme dont le sens est pour lui trop étroit) voit l’expansion de la « raison marchande ». Alors que jusqu’à présent, l’économie était soumise au social, c’est désormais l’économie qui domine et impose ses règles dans tous les domaines de la société. Ceci s’applique notamment au travail qui va devenir une marchandise comme une autre, qui peut s’acheter et se vendre. Puisque ce sont les règles de la raison marchande qui s’appliquent désormais au travail, toutes les autres formes de règles et de protections –notamment traditionnelles– doivent cesser d’exister pour que le travail –et donc les travailleurs– puissent être acheté et vendu librement.
    La période qui va de la fin du XIXe à la Première Guerre Mondiale est celle de l’opposition entre l’expansion de la raison marchande et des mouvements sociaux qui s’organisent pour protester contre les effets dévastateurs en termes de dégradation du tissu social et de souffrance humaine crées par une société basée sur la raison marchande et l’exploitation généralisée des individus.
    La Première Guerre Mondiale est, dans cette perspective, le résultat d’une compétition entre les classes dirigeantes européennes pour acquérir de nouveaux marchés. Pour ces classes dirigeantes, le recours à la guerre présente le double avantage de créer une extraordinaire demande pour l’industrie de guerre, mais, surtout de mettre fin à la contestation sociale par l’instrumentalisation du sentiment nationaliste.
    Le drame humain de la Première Guerre Mondiale favorise cependant la renaissance de la contestation sociale avec la naissance de forts mouvements révolutionnaires en Russie –ou la Révolution triomphe– mais aussi en Allemagne et en Italie. Face à ce mouvement, observe Jean-François Billeter, les classes dirigeantes organisent une contre-offensive. En Allemagne, celle-ci se matérialise en fin de compte par l’arrivée au pouvoir d’Hitler avec la complicité des classes dirigeantes. Cette contre-offensive permet à nouveau d’écraser le mouvement de contestation sociale en soumettant les travailleurs à une cause nationale.
    La défaite des puissances de l’axe est suivie rapidement par l’émergence d’un nouveau redécoupage du monde entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique. Jean-François Billeter voit dans la Guerre Froide une vaste compétition pour le contrôle des lieux de production des matières premières. Derrière cette collusion se cache cependant une collusion entre les deux superpuissances. La menace que chacune fait peser sur l’autre peut être instrumentalisée dans le cadre de la politique interne pour faire taire toute opposition.
    Le septième moment de l’histoire est celui qui suit l’effondrement de l’Union Soviétique et du bloc qui avait été constitué autour de cette dernière. Il s’agit du moment du triomphe de la raison marchande. Pour Jean-François Billeter, la nécessité d’augmenter la rentabilité du capital nécessité une uniformisation généralisée de la production et la domestication des travailleurs-consommateurs. La domestication peut être notamment réalisée par la promotion de l’abêtissement au travers des medias de masse et notamment de la télévision. L’uniformisation est aujourd’hui visible dans le rapprochement des modes de vie des individus aux quatre coins de la planète autour de l’American way of life, devenu aujourd’hui la norme universelle.

    Le cas de la Chine.
    La Chine ne constitue pas une partie isolée du monde. Elle a, elle aussi été prise dans cet ample mouvement de l’Histoire. Son intégration à ces moments de l’Histoire intervient avec la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Pour Jean-François Billeter, la Chine subit la réaction en chaine qu’il décrit précédemment au travers de quatre moments majeurs.
    Entre les années 1920 et 1949 se constitue en Chine une première forme de société capitaliste, notamment à Shanghai, qui s’emploie rapidement à détruire les modes de production et de solidarité traditionnels. La crise de1929 frappe cette société en provoquant le déclassement d’une classe moyenne éduquée qui rallie alors les rangs du parti communiste.
    La victoire de celui-ci en 1949 ouvre une nouvelle période qui va jusqu’au « mouvement des cents fleurs ». La nationalisation des capitaux et des moyens de production à laquelle procède le parti communiste dès son arrivée au pouvoir. Celle-ci permet de récompenser les cadres du parti, maisles ressources se trouvent être rapidement insuffisante pour poursuivre cette organisation clientéliste de la société et du pouvoir. Pour extraire des ressources supplémentaires de la société chinoise, le parti communiste organise rapidement la collectivisation de l’agriculture et supprime toute protection des travailleurs tout en exigeant l’augmentation des cadences de travail au nom de l’œuvre révolutionnaire. Les difficultés sont nombreuses et Mao décide alors de lancer le « mouvement des cents fleurs », qui offre aux intellectuels la possibilité de s’exprimer sur les problèmes que rencontre alors la société chinoise. La réponse est fortement critique à l’égard du pouvoir communiste.
    La réaction du pouvoir est immédiate et un vaste mouvement de répression écrase toute critique à l’encontre du parti communiste. Le lancement du « grand bond en avant » en 1958 crée une société totalitaire dans laquelle l’adhésion au pouvoir de tous est requise. L’objectif du « grand bond en avant » est de créer faire de la Chine une grande puissance industrielle capable de rivaliser avec le Royaume-Uni ou les Etats-Unis. Le « grand bond » tourne rapidement à la catastrophe. La famine qui en résulte tue plus de trente millions de chinois. Ce désastre est suivi par celui de la « révolution culturelle » lancée par Mao dans le seul but de préserver son pouvoir, Mao jouant tantôt la carte de la jeunesse révolutionnaire, tantôt celle de l’ordre et des forces armées. La Chine sort de cette troisième période brisée économiquement et socialement.
    La mort de Mao permet l’ouverture d’une quatrième période. Le mouvement de réforme et d’ouverture est lancé par Deng Xiaoping. La Chine connait alors une forte période de développement économique qui nourrit l’émergence d’une classe moyenne, mais creuse d’abyssales inégalités –notamment en termes de santé et d’éducation– et au prix d’une corruption généralisée. La société chinoise dans son ensemble est désormais soumise à la même règle que la plupart des autres sociétés, c’est-à-dire a la logique de la raison marchande qui contrôle l’ensemble des rapports sociaux.

    La Chine trois fois muette.
    Le quatrième moment a fondamentalement modifié le rapport que la Chine entretient avec son passé, proche et lointain, et avec son présent.
    La Chine est aujourd’hui incapable de parler de son présent parce que tout débat sur le pouvoir demeure prohibé. Le parti communiste continue de contrôler strictement la presse et interdit l’émergence de tout espace public.
    De la même façon, le parti communiste continue d’interdire largement le débat sur l’histoire récente de la Chine. Jean-François Billeter souligne ainsi que si les totalitarismes et les conditions historiques de leur émergence ont été l’objet en Europe d’études et de réflexions, aucun travail similaire ne peut être effectué en Chine sur la période récente.
    Le silence de la Chine sur son histoire plus lointaine est moins évident parce qu’il est recouvert par un discours incessant sur le passé de la Chine. Ce discours sert un but politique : celui de faire de la Chine un « monde à part » (p. 75), dont le passé glorieux est interrompu par les attaques de l’Occident à partir du XIXe siècle. Cet intérêt pour le passé de la Chine a mené les autorités chinoises à promouvoir dans les dernières décennies un « retour » aux pratiques et à la culture « traditionnelle ». Le rapport que la Chine entretient avec son passé se trouve donc être rêvé et instrumentalisé.

     
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